Près d’un an après un magnifique premier tome très réussi, MinaLima a lancé ce 26 Octobre leur édition du second tome, Harry Potter et la Chambre des Secrets. À l’occasion de la sortie ce 11 Novembre de la version française chez Gallimard, nous vous proposons une petite critique.

Que vaut cette seconde proposition ? Est-elle au même niveau que le première ? La qualité, l’esthétique sont-elles encore au rendez-vous ?

Avant-propos

Il convient de préciser qu’il est indéniable que le duo de graphistes n’a plus à prouver ses lettres de noblesse sur l’art et la manière de concevoir un livre avec des illustrations et des éléments papiers de type pop-ups (et la collection grandissante de leurs Illustrated Classics en étant l’expression franche). Par conséquent, ce n’est donc pas tant sur cet aspect que nous nous apprêtons à venir ici, mais davantage plutôt sur les sujets de ces pop-ups et des autres illustrations. Et ce, notamment parce que nous y sommes aussi déjà longuement revenu lors de notre critique de L’École des Sorciers.

D'une couverture toujours aussi élaborée

Vous en conviendrez, la révélation d’une couverture d’un livre derrière un écran et en 2D ne permet pas d’en savourer la superbe et la conception. Le fait de l’avoir désormais en mains facilite grandement son observation sous toutes les coutures et de remarquer des choses passées inaperçues.

Ainsi, outre le sujet central avec Ron et Harry en Ford Anglia au dessus du Poudlard Express, les graphistes proposent une nouvelle arche qui vient l’enluminer avec ses réhausses d’or. Si au premier abord, cette arche semble relativement semblable à celle du tome 1, on remarque des différences notables en s’y attardant.

Dans un style toujours art-déco, les croisées d’ogives sont ici en forme de toiles d’araignées soutenues par des contreforts où viennent s’enlacer des serpents. Pour ces derniers, sachez que c’est ce qui sert de décor à la Chambre des Secrets.

Si ce sont toujours les quatre blasons des Maisons de Poudlard que l’on retrouve dans les médaillons méridionaux, les autres éléments intriqués dans les entrelacs serpentins correspondent cette fois à ce second livre. Parmi eux, on notera par exemple l’épée de Gryffondor, la Beuglante de Ron, une Mandragore en pot, une limace, plusieurs araignées, la baguette cassée de Ron, le journal intime de Jedusor ou encore la plume de Lockhart.

Rappelons, comme vous pouvez le voir dans le comparatif ci-dessous, que l’ensemble de l’arche du précédent livre rappelée l’architecture de la gare King’s Cross avec entrelacs en arabesques évoquant des vignes.

Des illustrations au service de la narration

À commencer par les couleurs. La palette est ici à dominance de vert avec de nombreux dérivés. On retrouve également d’autres couleurs (aubergine, pétrole, vert et bleu saphir dans plusieurs touches) combinés aux tons de joyaux clairs (rouge, moutarde, fushia et turquoise). Sans surprise, ce kaléidoscope de couleurs (notamment les verts) corrèlent avec le thème du livre et s’oppose aux rouges du premier tome.

En feuilletant l’ouvrage, on s’amuse de nouveau à reconnaitre, à chaque début de chapitre, tous les dessins et symboles incorporés en tant que clins d’œil et autres easters eggs aux enluminures des cadres, qui font écho aux évènements du chapitre à venir.

De même, on apprécie de redécouvrir que de nombreuses illustrations de passages anecdotiques et absents du film sont une fois encore proposées comme les multiples corvées de Harry chez les Dursley, la visite de Malefoy père et fils chez Barjow et Beurk avec Harry dissimulé dans l’Armoire à Disparaitre (scène présente dans les scène coupées), les clubs-sandwichs de McGonagall, l’anniversaire de mort de Nick Quasi-Sans-Tête, le Dégnomage du jardin du Terrier, la lettre de VitMagic dans le bureau de Rusard (même si elle est aussi partiellement présente dans les scènes coupées) et tant d’autres.

Il y également encore plusieurs illustrations intertextuelles. Le duo usent de nouveau de techniques stylistiques et de mises en page uniques pour renforcer l’immersion du lecteur (on prend en exemple la lettre de Mafalda Hopkrik, les paroles de Molly exhortées par la Beuglante, les questions de Lockhart, la recette du Polynectar, la page arrachée sur le Basilic, la révélation anagrammique de Jedusor/Voldemort, le poème de St-Valentin de Ginny, etc.).

On soulignera également que les bordures de pages s’agrémentent de nouveaux de feuillages lorsque Harry et Ron se rendent dans la Forêt Interdite et puis d’araignées en grande variété (lors de la rencontre avec Aragog). Ce procédé est aussi utilisé de différentes manières à d’autres reprises comme au début du tome : lorsqu’elles deviennent les étagères des nombreuses potions et fioles du bureau de Rogue ou encore un peu plus tard où ce sont même des limaces qui s’y entremêlent (lors du retour de sort de Ron contre Malefoy à cause de baguette cassée) et lors du banquet d’Halloween où elles deviennent des perchoirs pour les chauves-souris de la Grande Salle.

Notons que par rapport au tome précédent et en plus de celles des annonces de chapitre, il y a davantage d’illustrations en pleine page (telles que celle d’Arthur Weasley dans sa salle à manger, celle de Mimi Geignarde dans ses toilettes ou encore de l’attaque des Lutins de Cornouailles dans la salle de classe de Lockhart, Ron vomissant ses limace et la fuite de la Chambre des Secrets grâce à Fumseck, …).

Le rêve de Harry, avant de s'enfuir de chez les Dursley

Enfin, on évoquera l’ingéniosité des graphistes à illustrer un moment onirique de Harry. Suite à l’affaire du gâteau et de Dobby, ce dernier se retrouve ‘prisonnier’ de sa chambre, avec les fameux barreaux installés à sa fenêtre par l’Oncle Vernon.

Dans la nuit, un peu avant que Ron et ses frères ne viennent le délivrer à bord de la Ford Anglia volante, Harry parvient non sans mal à s’endormir d’un sommeil agité au cour duquel il rêve.

Les ombres des barreaux que projette la Lune prennent alors la forme de son rêve (Dobby, des Dursley et même du mot ‘zoo’ dans lequel il s’imagine enfermé).

Un aspect graphique renouvelé

Force est de constater que l’inventivité qu’ils réussissent à faire preuve en parvenant à se détacher de l’univers graphique et visuel qu’ils ont opéré sur le second volet cinématographique, nous frappe de nouveau.

Avec un talent certain, ils parviennent une fois de plus à réimaginer l’esthétique connue de l’ensemble. Leur réinterprétation permet dès lors aux lecteurs de passer plus de temps à explorer ces lieux pour trouver des détails cachés. Le Diable n’est-il pas censé se dissimuler dans les détails ? Ainsi, à la manière d’un nouveau lecteur qui lirait la saga pour la première fois, on (re)découvre les éléments iconiques de ce tome.

Avec émerveillement

Le Terrier : la première maison de sorciers que Harry découvre est décrite comme possédant une structure chaotique et haute en couleurs. MinaLima parvient avec brio à figurer ses nombreux étages sans dessus-dessous à l’équilibre précaire. Mais aussi la magie, l’humour et la vie d’une famille de sorciers à la fois heureuse, folle et dysfonctionnelle. On aimerait y passer du temps. D’ailleurs les illustrations (comme la Chambre de Ron) et surtout l’élément pop-up qui lui sont destinés permet de la découvrir dans ses détails.

La Salle Commune de Serpentard

Si dans le film cette salle épouse un style architectural roman austère (ancien, ramassé et robuste), gravé dans la roche et est baignée d’une lumière surnaturelle transmise par le Lac Noir, MinaLima opte ici pour un style très Art Nouveau avec des verts lumineux s’opposant à l’obscurité (régnant dans cette pièce censée être dans les basses-fosses d’un château). Il y a également beaucoup d’éléments en forme de serpents, naturellement. Notez l’humour du clin d’œil à la légende du Calamar géant résidant dans le Lac de Poudlard.

La Bibliothèque de Poudlard

Sans description particulière dans le livre si ce n’est qu’elle contient des centaines de milliers d’ouvrage et possède une atmosphère feutrée, elle est présentée à l’écran dans le style gothique et baroque anglais de la Bibliothèque Bodléenne. Les graphistes proposent quant à eux une magnifique version très colorée, immense avec des étages et un plafond représentant des constellations.

Avec effroi

  • le Saule Cogneur (qui prend ici l’apparence d’un saule pleureur immense),
  • la Chambre des Secrets
    • La statue de Serpentard, avec la bouche béante de laquelle sort le Basilic est assez comparable à celle du film.
  • l’antre de Aragog (avis aux arachnophobes, fuyez, pauvres fous !).

Avec amusement

  • les moments avec Lockhart
    • l’utilisation de différentes nuances de violet complète à merveille les détails décrits à son sujet ; surtout qu’il n’est pas difficile pour Lockhart de se faire remarquer partout où il va. MinaLima parvient à le mettre en valeur d’une manière nouvelle et dynamique. On peut l’apercevoir sur diverses pages, de la toute première fois que nous le voyons sur le Chemin de Traverse (vêtu d’un violet vif et arborant son sourire malicieux) à la dernière fois avant qu’il ne soit emmené à St. Mangouste, en passant par ses portraits et photographies. Il ne perd jamais son charme ou son sens du style. Il a même le droit à un pop-up avec ses autoportraits qui explorent parfaitement sa vanité.
  • la St-Valentin
    • Non présente à l’écran, cette fête organisée par Lockhart, est représentée par les graphistes dans l’esprit le plus kitch possible avec l’envahissement de la Grande Salle avec un rose criard, des cœurs ailées tombant de son plafond enchanté comme de la neige, d’affreux cupidons en tutu et perruque rose… Bref, de l’extravagance pure à la Lockhart (à ça du gnangnan).
  • le Club de Duel
    • ce passage à le droit à une pleine double-pages en terme d’illustration. Là où dans le film il y avait une estrade avec un public autour, ici on a l’impression à une sorte de grande bataille tant ça fourmille de duel dans tous les coins. Parviendrez-vous à trouver Harry ?

Avec nostalgie

  • le dortoir des garçons de Gryffondor dans ses atours noëlleux,
  • le bureau de Dumbledore avec ses nombreux portraits de directeurs et directrices,
  • les moments avec Dobby.

Il en va de même pour leurs graphismes les plus connus. Comme ils l’ont déjà expliqué pour le premier livre, ils oublient ce qu’ils ont fait dans le film et refont tout. Prenons quelques exemples notables :

  • Au cours du chapitre où le Trio prépare le Polynectar, les graphistes ont représenté la page de la recette figurant dans Les Potions de Grands Pouvoirs. Ils lui donnent un aspect médiéval, avec enluminures, lettrines, des médaillons avec les ingrédients et surtout des grylles (ces petits dessins représentants des figures grotesques et/ou monstrueuses) pour évoquer les aléas rencontrés par les utilisateurs de la potion. C’est le cas, par exemple, d’un sciapode (ou monopode) ou encore d’un blemmye.
Un sciapode, version MinaLima
Gravure des Chroniques de Nuremberg (XII° siècle)
Un blemmyes, version MinaLima
Gravure des Chroniques de Nuremberg (XII° siècle)

On a alors en tête la représentation qu’ils lui avaient de prime abord donné à l’écran, avec la chimère à écailles et tentacules (une gravure du Rebis Mercuriel personnifiant le ternaire alchimique du Sel, du Souffre et du Mercure, issue de l’ouvrage italien de 1572, Della trasmutatione metallica écrit par Giovanni Nazari) ou encore de la femme avec la grosse araignée dans les cheveux (une caricature intitulée “Next Hideous Sensation Chignon” réalisée par Edward Linley Sambourne en 1867, issue du magazine satirique anglais Punch).

Le Rebis Mercuriel
La page du Polynectar, à l'écran
L'hideux chignon
  • C’est le même cas pour la page arrachée sur le Basilic. Ici, le serpent enroulé qui vient enluminer le texte évoque un style celtique.
    • Dans le film, cette page, arrachée d’un livre intitulé Most Macabres Monstruosities (Monstruosités les Plus Macabres), était plus sobre et l’image figurant au centre est celle d’un serpent quelconque. Le texte, dans les première ligne est identique. Mais en ce qui concerne la fin, les graphistes ont brodé.

Par ailleurs, la version illustrée du Journal Intime de Jedusor en tant qu’objet physique est différente de celle du film : là où celui du film etait vierge, celui-ci est un journal ligné, avec les dates. Quant à la figuration de son souvenir de Juin 1943 (celui au cours duquel Myrtle Warren – future Mimi Geignarde – a été tué e), on a un peu cette même approche graphique que ceux de la Pensine dans le sixième film : un aspect tache d’encre, liquide qui coule (ce qui fait écho à la manière dont cette Horcruxe est détruit avec le crochet du Basilic).

Pour autant, parmi ceux-ci, certains sont devenus tellement emblématiques, qu’il est difficile de s’en détacher et d’en proposer une autre approche. Ils en proposent alors des variantes plus sobres et sans fioriture, mais qui (comme ils l’avouent eux-même) peuvent épouser certaines similitudes avec les originaux. On pense notamment à :

  • la Beuglante de Ron
    • Sa représentation très origamique d’une bouche dans le film (avec l’enveloppe figurant les lèvres, le papier les dents et le ruban la langue) nous a comme Ron laissé sans voix. Ici, l’idée est assez semblable mais elle a ressemble davantage à un accordéon en papier plié avec deux yeux.
  • la potion Poussoss.
    • La bouteille de cette potion qui sert à faire repousser les os a une apparence très caractéristique et figurative à l’écran. Le bouchon est un crâne, tandis que la cage thoracique et l’abdomen servent de contenant à son liquide, avec deux bras squelettiques rattachés. Son apparence dans la présente édition est basée sur le même principe, mais de façon plus simplifiée.

Une interaction magique

L’aspect interactif de cette édition en est son atout majeur une fois de plus. Ils permettent une fois encore de mettre en exergue la magie qui habite ce livre. Au nombre de huit, ils sont ludiques et imaginatifs à souhait :

  • Le Terrier, cette invraisemblable bâtisse de la Famille Weasley avec ses pans à soulever,
  • La mésaventure de Harry dans le Réseau de Cheminettes, en trois étapes,
  • L’arrivée fracassante de la Ford Anglia dans le Saule Cogneur,
  • Le dépotage d’une jeune pousse de Mandragore (ajustez bien vos caches-oreilles),
  • La contemplation des autoportraits de Lockhart (jusqu’à dans son bain ^^),
  • Suivez le Prof. McGonagall dans le bureau de Dumbledore, en empruntant l’escalier derrière le griffon,
  • Vivez la métamorphose de Ron et Harry, lorsqu’ils boivent le Polynectar,
  • Fermer les yeux lorsque le Basilic se glisse hors de la bouche béante de la statue de Serpentard.

Conclusion

Nous ne sommes pas surpris, d’avoir entre les mains un magnifique ouvrage une fois encore. Comme pour le premier, ce second tome est très nettement à la hauteur de nos attentes; La continuité est assurée. Un must-have très réussit qui sera du plus bel effet dans votre bibliothèque aux côtés du tome précédent.

Il ne nous reste plus qu’une chose à dire : quand pourrons-nous découvrir Le Prisonnier d’Azkaban ?!