Après quelques péripéties que l’on ne répétera pas ici, nous avons reçu peu de temps avant sa sortie un exemplaire de la version française de l’édition illustrée par Jim Kay de Harry Potter et la Coupe de Feu. Nous avons pris le temps de nous y plonger et voici notre avis !

Cela fait 765 jours que l’on attend cette nouvelle édition illustrée de la saga Harry Potter – après que un peu plus de deux ans auparavant Jim Kay ait illustré le troisième tome à l’encre et au pinceau. Bien que ce laps de temps nous ait paru affreusement long, cela a permis à l’illustrateur et ce, à juste titre, d’accomplir une tâche aux proportions digne de celles du Tournoi des Trois Sorciers : transposer au format illustré le quatrième et le deuxième plus grand tome de la saga de J.K. Rowling. Avec plus de 115 nouvelles illustrations, c’est pour nous la plus belle contribution de Jim Kay à ce jour… même si elle n’est pas exempt de quelques défauts.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est bon de rappeler que ce tome avait à l’époque déjà causé beaucoup de difficultés à l’autrice elle-même (elle a du travailler à vitesse grand V pour répondre à une pression importante de l’éditeur et l’attente du public et composer avec un trou dans son intrigue la poussant à réécrire une grande partie du livre). Il en résulta un roman à la fois méticuleux et complet, ayant considérablement élargi le monde des sorciers : des sorcières et des sorciers de différentes nations sont introduits, le Quidditch devient mondial et Lord Voldemort fait son retour. Ainsi, près de vingt ans plus tard, Jim Kay est parvenu à en capturer le ton plus sombre et insuffle de nouvelles couleurs et une nouvelle vie à certaines des scènes et certains des personnages les plus mémorables de cet univers.

Durant l’attente de sa sortie et connaissant son nombre de pages, nous nous imaginions recevoir un livre au volume assez conséquent. Étonnamment, il n’est que légèrement plus épais que Le Prisonnier d’Azkaban. Cela est dû au fait que le texte a subi un sortilège de Ratatinage (avec des caractères plus serrés et des interlignes moins espacées), le tout imprimé sur du papier sensiblement plus fin. Rassurez-vous, la différence de papier n’est pas perceptible et n’en entache pas sa qualité (il ne déchira pas accidentellement) et le texte est parfaitement lisible en l’état. C’est donc une décision parfaitement justifiable (surtout au regard des trois longs tomes à venir et le fait que nous n’avons pas tous accès au fameux sac en perles de Hermione Granger 😜). Toutefois, il convient aussi de noter que l’autre facteur ayant contribué à la réduction de son volume est – et c’est plutôt décevant – que trois chapitres s’enchaînent sans une seule illustration (mais nous y reviendrons plus loin).

On nous avait promis plus de 115 nouvelles œuvres d’art de l’illustrateur. Force est de constater que cette nouvelle édition ne nous déçoit pas de ce côté-là. Comme dans les trois précédentes éditions, les illustrations varient en taille, en technique et en emplacement ; et l’équilibre entre l’illustration et le texte est à la fois subtil et, au besoin, audacieux. Tout le long, on trouve les nouveaux et nombreux personnages (comme Verpey, Cedric Diggory en passant par Viktor Krum, Croupton ou encore Winky). Des portraits de personnages importants y sont également parsemés (Maugrey Fol Œil, Rita Skeeter et Ginny Weasley). On trouve aussi la présence d’illustrations en doubles pages (les arrivées des délégations étrangères, l’enchaînement du Priori Incantatum, le Bal de Noël), une planche anatomique (du Suédois à Museau Court) et de petits ornements et décorations émaillés dans le texte (les écussons “Potter Pu”/”Vive Cédric”, des araignées ou encore la croissance du Scroutt à Pétards sur plusieurs pages). Notons aussi la direction artistique générale élégante du livre par le biais des titres de chapitres stylisés et des bordures/cadres de certaines pages qui sont texturées et embellies.

Ce tome introduit donc une multitude de nouveaux personnages et Jim Kay a opéré un merveilleux travail en continuant de les traiter avec un univers visuel indépendant des films. Il est parvenu à décortiquer, interpréter et à fusionner les multitudes de descriptions détaillées de l’autrice et à nous les dépeindre avec ses propres influences artistiques et consorts (notez par exemple, que Hermione est basée sur sa nièce). Tout en restant ancré dans un univers établi, l’ensemble en ressort bien plus fidèle et authentique au texte.

Il convient ainsi de mentionner en particulier sa vision du champion de Durmstrang, Viktor Krum. Elle est bien plus en corrélation avec le personnage mince, au dos voûté et au teint sombre et cireux des livres. Dans une interview, d’ailleurs, il explique que dans la mesure où le joueur de Quidditch est “un peu comme une rock star”, il l’a “basé sur un guitariste comme Bernard Butler mais aussi Jonny Greenwood du groupe de rock Radiohead“. Il ajoute qu’il apprécie “la dichotomie au sein de ce personnage” parce que même si “il est cool, il a l’air un peu gauche”.

Maugrey Fol-Œil, l’ancien auror borgne aux visage plus que émacié et empli de cicatrices, est vraiment terrifiant… ce qui est assez amusant quand on sait que l’artiste a justement lutté pour ne pas le rendre “plus effrayant”. La jolie Fleur Delacour et le charmant Cedric Diggory sont attirants mais ce, de façon appropriée et non sexualisé. Barty Croupton Sr. sied quant à lui parfaitement au bureaucrate tiré à quatre épingles du ministère de la Magie tel que l’on se l’imaginait.

Enfin, la journaliste Rita Skeeter est aussi “merveilleusement fielleu[se]” que Dumbledore la décrit dans le livre (elle a même le droit d’apparaître à deux reprises sous sa forme d’Animagus-cafard à lunettes).

Les illustrations en doubles pages (dont certaines avaient déjà été partagées par Bloomsbury, dans le cadre sa campagne promotionnelle de pré-publication) sont les espaces où Jim Kay démontre l’ampleur de son talent incroyable et notamment en ce qui concerne le travail sur la lumière.

L’éclectique camping de la Coupe du Monde de Quidditch plein de fantaisie est représenté dans une palette figurant l’aube (et doit sans aucun doute être chargé en easter eggs). Le feu craché par le Magyar à Pointes, lors de la première tâche est saisissant par son ardeur et sa rutilance.

Embrumé, le duel entre Voldemort et Harry dans le cimetière est orné de trainées de lumière dorée — un aspect esthétique qui faisait défaut à l’adaptation cinématographique de 2005. Avec ses teintes chaudes, la scène du Bal de Noël illustre parfaitement à la fois la beauté et l’extravagance de l’évènement et la gêne qu’il occasionne (notons que Hermione y porte enfin sa robe bleue !!!).

Les croquis épurés au crayon des spectateurs de la Coupe du Monde et les illustrations en noir et blanc des Mangemorts, des elfes de maison ou encore de Maugrey dévoilent un contraste varié et saisissant. Kay use et abuse de ce contraste le plus efficacement possible dans les chapitres les plus sombres du roman. Dans ceux-ci, le texte et les couleurs d’arrière-plan sont inversés et les illustrations insinuées dans des pages noircies. L’effet est si frappant que le livre s’ouvre par un chapitre entièrement rédigé dans ce style : la mystérieuse Maison des Jedusor et son gardien moldu Frank Bryce sont représentés à travers des vignes sombres et des jeux d’ombres, apportant une esthétique assez effrayante. Ce style est de nouveau utilisé lors de la descente de Harry dans les profondeurs du Lac Noir et bien sûr lors de la renaissance de Voldemort.

Ce n’est pas le sujet (mais vu que l’adaptation cinématographique de ce quatrième tome est un des premiers exemples des omissions / déformations de l’histoire), on apprécie de voir l’interprétation apportée par Jim Kay aux personnages et aux scènes qui n’apparaissent pas à l’écran. À l’instar du plutôt gai, extravagant et grassouillet Ludo Verpey, de la malheureuse et saoule elfe de maison Winky ou encore de l’arrivée fracassante de Mr Weasley par le biais de la cheminée des Dursley. Et même, la présence anecdotique de l’arbitre de Quidditch égyptien Hassan Mostafa ajoute une touche agréable. Ils bénéficient tous d’un traitement artistique de qualité.

Maintenant, on en vient aux points qui nous ont moins plus, même si on sait qu’une publication de cette ampleur ne peut que présenter quelques inconvénients. On regrette dès lors l’absence de certains personnages importants. La Serdaigle Cho Chang en dépit de son importance dans le tome à venir, n’apparaît pas. Le directeur de Durmstrang Igor Karkaroff non plus, alors que Madame Maxime apparaît aux côtés de Hagrid (même si c’est une superbe mais petite illustration qui jure avec leur taille gigantesque). La véritable identité de Barty Croupton Jr est également passée à la trappe.

Il va sans dire aussi, que la longueur et l’étendue de l’histoire (comme les pressions inévitables sur le respect des délais de publication) ont probablement déterminé le nombre final d’illustrations que Kay était raisonnablement en mesure de réaliser, ainsi que les scènes qui méritaient l’attention la plus artistique. Pour autant, cela confère une sorte de déséquilibre puisque comme nous le disions plus haut, trois chapitres s’enchaînent et sont dépourvus d’illustrations ; là où d’autres en affichent plusieurs.

À l’image du parti pris cinématographique où il y a eu une sélection parmi les intrigues secondaires et les liens potentiels moins cruciaux avec l’histoire principale, cette édition illustrée présente quelques parallèles où des chapitres que l’on jugera “moins intéressants” n’ont pas d’illustrations. Quelques illustrations de chapitres plus petits voire des médaillons auraient certainement contribué à rendre ces omissions conscientes moins frappantes. Nous aurions aimé voir les scènes au sein de salle de bain des préfets avec Mimi Geignarde ou encore d’autres événements plus anecdotiques.

De même, Jim Kay a clairement une affection et une affinité pour dessiner des animaux. Un rapide coup d’œil à cette édition (et les trois précédentes) et sont talent pour dessiner des chats, des chiens, des dragons et un assortiment de bestioles effrayantes se révèle évident. Il y aussi des elfes de maison qui, tel un fil rouge, apparaissent à plusieurs reprises.

Qui plus est, si les représentations détaillées de la faune et flore de ce tome sont incroyables (des dragons aux êtres de l’eau, en passant par les strangulots ou encore les chevaux ailés du carrosse de Beauxbâtons avec les magnifiques détails de ses vitraux), l’ensemble nous donne une impression de remplissage décoratif au profit des manquements.

Qu’il s’agisse d’une décision consciente ou non de laisser quelques moments clés dans l’imagination du lecteur, on aurait tout de même apprécié découvrir la vision de l’artiste sur ceux-là… Surtout que les livres sont vendus comme des éditions illustrées.

Conclusion

Mis à part ces quelques soucis, cette édition illustrée de La Coupe de Feu signe globalement le retour d’un grand Jim Kay. Nous sommes face à rien de moins qu’une réalisation artistique époustouflante et un must-have pour les collectionneurs et bibliophiles de beaux livres.

Par sa touche particulière, Jim Kay apporte une valeur ajoutée à la saga. Il renforce notre immersion et la narration.

Comme beaucoup, nous avons grandi avec ces histoires, et voir Jim Kay réinventer certains de nos personnages favoris et lieux préférés, confère un sentiment de nostalgie incroyable. Pour les nouvelles générations de fans, découvrir les mots de JK Rowling avec ses illustrations est un sentiment tout aussi impressionnant et doit être une merveilleuse première expérience.

Pour terminer, nous remercions les éditions Gallimard Jeunesse de nous avoir fait parvenir un exemplaire de cette édition en avant-première. Si vous souhaitez vous aussi vous plonger dans celle-ci et découvrir de vos propres yeux le superbe travail de Jim Kay, cliquez sur l’un des liens ci-dessous ;) !